L'hôtellerie [Spécial Covid-19]
En Belgique, les hôtels et le secteur de l'Horeca sont durement touchés par la crise du Covid-19. Clientèle absente, gestion des salariés et nouveaux dispositifs sanitaires, nous leur donnons la parole dans ce nouveau format d’interview Regard sur.
Steigenberger Wiltcher's
Michel Cottray : Dès le début février, nous avons reçu des annulations substantielles de groupes de loisirs, tout d’abord en provenance de Chine et progressivement de toutes origines. A la fin février, toutes les conférences pour mars et avril ont été remises en question, tout d’abord postposées pour mai et juin pour certaines puis très rapidement pour le 4ème trimestre ou bien même à l’année prochaine si ce n’est annulées. Certains grands évènements pour notre destination comme par exemple le Salon Seafood 2020 ou Tomorrowland, vecteurs majeurs d’activité, n’auront simplement pas lieu, une perte considérable pour l’économie locale.
| Le gouvernement a-t-il pris des initiatives pour vous aider ? M.C. : La plus grande aide qui nous soit parvenue mais qui n’est pas unique à l’hôtellerie, c’est la mise en place du chômage temporaire pour force majeure pour les ouvriers et les employés. Les charges salariales sont de loin les premières charges de notre industrie de service. L’hôtellerie bénéficie également, par exemple, du report automatique des charges sociales et fiscales mais ces gains à court terme ne sont évidemment pas la solution dans un secteur où il n’y a très peu de report d’activité possible. Une chambre non « vendue » ce soir, ne le sera jamais plus. Il en va de même des prêts spécifiques en cours. En Région bruxelloise, un groupe de travail piloté par le Ministre-Président de la Région Bruxelles Capitale a été constitué pour évaluer les mesures déjà adoptées, telle que l’exonération de City Taxe sur le premier semestre 2020 et préparer les nouvelles mesures de soutien nécessaires. En tant que membre du Conseil d’Administration de la BHA (Brussels Hotel Association), nous sommes en train de formuler une liste concrète de solutions, tant au niveau fédéral qu’au niveau régional telles que l’annulation de certaines charges, la rétrocession de la City Taxe versée en 2019. Il faut un véritable plan de sauvetage pour l’Horeca. | |
"Nous comptons sur notre clientèle locale et le tourisme d’affaires à des fins opérationnelles pour amorcer la reprise"
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Et demain ?
M.C. : Tout va dépendre de l’accessibilité vers la Belgique. Nos clients internationaux viennent à Bruxelles par le Thalys, l’Eurostar ou l’ICE et par avion. Les frontières doivent s’ouvrir et les moyens de transport redémarrer, avant d’envisager une réouverture. Il faudra s’attendre à un été très atypique, pratiquement en veilleuse mais comptons sur notre clientèle locale et le tourisme d’affaires à des fins opérationnelles pour amorcer la reprise. Entre-temps, nous prévoyons une modification profonde de nos standards d’hygiène et de nos procédures de travail, en concertation avec nos conseillers en prévention. Nous devons nous assurer que clients et employés soient protégés en toute sécurité. Bien que rien ne sera comparable à ces dernières années, nous voyons quelques lueurs à la rentrée de septembre…
Hotel Amigo - Rocco Forte Hotel
Jan Nielsen : Nous avons vu les premières difficultés en février, mais, d’après les autorités, la situation était sous contrôle. Cependant, dès la première semaine de mars, il est devenu évident que nous nous dirigions vers une période beaucoup plus difficile que prévue et le 25 mars, nous n'avons pas eu d'autre choix que de fermer l'hôtel. | Le gouvernement a-t-il pris des initiatives pour vous aider ? J.N. : En effet, le secteur du tourisme est probablement l'un des plus durement touchés. Notre industrie consiste essentiellement à rassembler les gens physiquement en créant de grandes expériences plutôt que via Zoom. En Belgique, nous avons la tradition de soutenir l'emploi à travers les différentes formes de chômage temporaire qui est un système assez unique pour protéger l'emploi. Cependant, tout cela a toujours un coût important pour l'entreprise lorsque la période sans revenus se prolonge. Ce dont on a besoin c’est que le gouvernement rouvre les frontières et encourage la circulation des personnes pour que nous revenions à un modèle d'entreprise viable. Cela étant dit, nous soutenons VisitBrussels qui fait un excellent travail de création de plans de relance et qui a obtenu le soutien de la ville et de la région. | |
« Depuis plus de 60 maintenant, nous avons vu des chefs d'État, des artistes et des chefs d'entreprise faire de l'Amigo leur résidence bruxelloise » |
Et demain ?
J.N. : Nous pensons qu'il nous faudra beaucoup de temps pour sortir de cette situation. Outre le fait que le Covid-19, comme tout virus, est une menace terrible, il faut remarquer qu’une certaine peur a été créée chez le client qui le conduit à se confiner chez lui. Nous sommes curieux de voir quand les gens reviendront dans un restaurant pour la convivialité autour d'un bon repas ou d'un verre entre amis.
Nous nous préparons au pire en espérant le meilleur. Nous avons installé des distributeurs Alcogel en masse, nous avons formé nos collaborateurs, nous leur avons fourni du matériel de protection et nous avons adapté nos normes de nettoyage déjà élevées pour permettre un niveau de désinfection encore plus élevé. Notre industrie a connu de nombreuses crises et nous en sommes sortis car les êtres humains sont sociaux et explorateurs par nature.
Le Plaza Bruxelles
Laurent De Kerf : Comme l’ensemble du secteur hôtelier, national et international, nous avons bien évidemment été touchés par la crise du Covid-19 même si, au contraire d’autres secteurs, nous n’avons jamais été contraints par le gouvernement de fermer l’établissement. « Nous sommes extrêmement impatients de reprendre nos activités et voir revivre notre établissement qui, par ailleurs, fête ses 90 ans cette année ! » |
Et demain ?
L.D.K. : C’est donc très activement que nous travaillons sur la réouverture de l’Hôtel notamment par l’instauration d’une charte sanitaire non seulement pour nos clients mais aussi pour l’ensemble de nos collaborateurs, en accordant une attention toute particulière aux 6 phases qui constituent le séjour de nos clients : leur réservation et leur arrivée, le nettoyage de leur chambre, la restauration, les événements et séminaires, leur départ et la facturation et enfin l’hygiène et la distanciation sociale.
Nous avons une très bonne carte à jouer grâce aux vastes espaces et volumes que possède l’Hôtel, et qui sont un atout majeur dans le respect de la distanciation sociale !
Il va s’en dire que mettons dès à présent notre énergie, notre enthousiasme et notre temps à profit pour organiser ce vaste programme et nous sommes très positifs quant à la reprise prochaine de nos activités.
Sofitel Brussels Europe
Cyril Manguso : Cette crise aussi inédite qu’imprévisible a touché notre secteur en Mars et pour notre hôtel, elle est intervenue à un moment où nous connaissions une véritable embellie depuis deux ans, avec une année record en 2018 et l’inauguration en 2019 de notre tout nouveau concept de restaurant « The 1040 » faisant la part belle aux produits belges. Le succès de l’établissement était au rendez-vous avec une fréquentation des lieux constante par tous les amateurs de convivialité et du bien-manger. Nous avons connu aussi un début d’année 2020 plus que prometteur, jusqu’à ce que cette crise touche l’ensemble du secteur de plein fouet et de façon subite. Nous avons été contraints de fermer l’hôtel le 18 Mars, mais continuons depuis cette date à travailler à la reprise, à garder le contact avec nos Ambassadeurs (les employés de l’hôtel), les acteurs locaux et à nous projeter pour nous réinventer et continuer à toujours accueillir nos clients dans les meilleures conditions. Le gouvernement a-t-il pris des initiatives pour vous aider ? C.M. : Les mesures gouvernementales liées à la mise en place du chômage pour force majeure ont certes permis de soulager le secteur. Il va de soi que celles-ci devront être prolongées, compte tenu des prévisions extrêmement incertaines et d’un retour à l’activité qui se fera au ralenti en 2020 et probablement au-delà. Le secteur du voyage, du tourisme et de l’hôtellerie, considéré à juste titre comme un secteur porteur, a toujours été le baromètre de l’activité économique. | Avec l’apparition de cette pandémie, il se voit durement impacté et confronté à une crise sans précédent. Ainsi, les mesures de soutien au secteur devront être multipliées, raison pour laquelle des sujets tels que la diminution des taux de TVA, l’exonération de certaines taxes sur une période définie devront être sérieusement envisagés. Par ailleurs, le « ranking » basé sur le nombre de décès liés au Covid joue injustement en défaveur de la Belgique. Il conviendra impérativement d’établir une harmonisation des normes de comptabilisation au niveau européen. Enfin, la Belgique, et plus particulièrement Bruxelles, étant une destination internationale, l’ouverture des frontières et la libre circulation sont attendues le plus tôt possible. De votre côté, avez-vous participé à des opérations ? C.M. : De notre côté, nous soutenons activement la BHA dont l’investissement est sans faille depuis le début de la crise. Nous nous associons à toutes les mesures préconisées afin de sauver notre secteur. Par ailleurs, nous participons également à la Task Force de Visit Brussels, dont nous pouvons saluer l’énorme travail réalisé pour la relance de la destination. L’implication de tous les acteurs de la profession pour une relance de notre activité est entière et nous pouvons observer une mobilisation totale. Il faut dire que l’enjeu est majeur. |
Et demain ?
C.M. : Comme je le disais, nous nous efforçons de garder le lien avec nos équipes et avec nos clients durant cette période inédite. Nous préparons activement la réouverture de l’établissement, car même si les prévisions ne sont pas des plus optimistes, nous voulons envoyer un message au marché en disant : « Nous sommes ouverts, Bruxelles vous attend ! »
Bien évidemment cela passera par une toute nouvelle approche de notre métier en se réinventant de A à Z. Nous pourrons dès l’ouverture assurer la plus grande sécurité sanitaire à nos clients et à nos employés, grâce notamment au programme ALL SAFE, déployé au sein de tous les établissements du Groupe Accor. L’obtention d’un label sanitaire sera la garantie des efforts produits par l’hôtel pour assurer une sécurité totale à nos clients. Nous aurons à cœur de les retrouver et sommes impatients de les accueillir à nouveau en prenant le plus grand soin de leur séjour, de leur bien-être et de leur sécurité.